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La bataille de l’indemnisation pour perte d’exploitation


Alors que l’économie française essaye tant bien que mal de reprendre son souffle, pour nombre de propriétaires de “commerces non essentiels”, il est l’heure de faire les comptes. Face aux pertes d’exploitation monstrueuses de certains commerçants, la grande question est de savoir qui payera la facture de ces pertes d’exploitations ?

Depuis plusieurs semaines, nombreux sont ceux qui espèrent trouver leur salut dans leurs assurances dites “perte d’exploitation”. Cette clause d’assurance permet, en effet, aux assurés d’être indemnisé par à hauteur de la baisse de leur chiffre d’affaire.

Pour agir sur le champ de ces clauses, la première solution serait d’invoquer l’existence même de l’épidémie de covid19 comme aléa couvert par leurs assurances professionnelles.

La deuxième solution pourrait être de s’appuyer sur la décision du gouvernement de fermer les restaurants et autres commerces non-essentiels. Les commerçants pourraient alors réclamer une indemnisation de leurs pertes d’exploitation faisant suite à une fermeture administrative. Il s’agit d’un aléa souvent mentionné dans les contrats d’assurance des restaurateurs.

La réaction des compagnies d’assurance, ne s’est pas fait attendre et s’est traduite par une véritable levée de bouclier. Ainsi, c’est non sans désarroi, que commerçants et restaurateurs se sont vu opposer un refus de leurs assureurs de faire jouer ces garanties pertes d’exploitation, qui pour indemniser de telles pertes, réclament un dommage matériel.

S’est ainsi engagée une véritable bataille d’interprétation des polices d’assurance. Restaurants et hôteliers, toujours contraints de garder closes les portes de leurs établissements, se placent en fer de lance de cette lutte contre les assureurs.

Cette bataille a récemment pris un premier tournant encourageant pour les commerçants.

Une première victoire face à axa, condamné à indemniser la perte d'exploitation

La décision du Tribunal de commerce de Paris du 22 mai 2020, rendue contre axa marque un premier pas pour tous les commerçants dans la lutte pour être indemnisé. En effet, le Tribunal a ordonné l’indemnisation d’un restaurateur au titre des pertes d’exploitations sans dommages qu’il a subi en raison de la situation sanitaire du pays.

Cette décision est une première victoire dans le bras de fer engagé depuis déjà plusieurs semaines entre les hôteliers et restaurateurs et leurs compagnies d’assurance. Axa a, de son côté, déclaré qu’elle ferait appel de ce jugement. La société estime en effet que le caractère systémique et global d’une pandémie empêche toute mutualisation du risque et qu’une fermeture généralisée décidée par le gouvernement ne peut être qualifiée d’aléa.

Le Tribunal a choisi de rejeter tout débat sur le caractère assurable ou non d’une pandémie et s’est arrêté à la constatation que la pandémie n’était pas expressément exclue des risques assurés par le contrat de ce restaurateur.

Certains semblent espérer un véritable effet domino. Cette décision pourrait ainsi servir de jurisprudence à tous les autres restaurateurs et commerçants qui se sont vu opposer un refus d’indemnisation de leurs pertes d’exploitation par leur compagnie d’assurance.

Pourtant, d’autres observateurs se veulent moins optimistes et ne voient qu’une décision rendue pour un type de contrats d’assurances très spécifique. Ces derniers estiment plus probable que dans les mois à venir, les tribunaux soient obligés de faire du cas par cas et de se pencher sur la police de chaque contrat d’assurance.

Des compagnies d’assurance ayant la crainte de l'indemnisation de la perte d'exploitation

De nombreuses compagnies d’assurance font barrage à ses demandes d’indemnisations qui selon elles viendrait mettre à mal le modèle même de l’assurance fondé sur la mutualisation des risques. En effet, une assurance est ainsi conçue que les primes versées, ajoutées à celles des autres assurés, servent à régler les sinistres qui surviennent ponctuellement à quelques-uns des assurés. Ainsi, pour une pandémie qui frappe simultanément tout le monde, un tel modèle ne peut plus être utilisé.

Plus encore, selon la Fédération française de l’assurance (FFA), indemniser les pertes d’exploitation en appliquant les clauses des contrats d’assurance aurait pour conséquence directe de mettre à terre tout le système d’assurance et d'aggraver la crise.

Malgré tout, ces dernières semaines ont également révélé des dissensions entre grands groupes d’assurance. Le Crédit Mutuel et sa filiale CIC a en effet promis une prime d’un montant de 7 000 euros à tous ses assurés professionnels. Le président du groupe évoquait alors un “devoir moral” de la part des assureurs.

Le CIC a aussitôt été accusé de faire du marketing social en promettant à leurs assurés des primes qui seraient aussi généreuses qu'irréalistes. La fédération des syndicats d’agents généraux Agéa a même récemment décidé de saisir l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pour qu’elle se prononce sur la question.

Au-delà d’une indemnisation basée sur les contrats d’assurance, nombreux sont ceux qui appellent de leurs vœux la mise en place de systèmes d’indemnisations exceptionnels.

Un plan d’aide aux commerçants, une solution qui pourrait léser certains assurés

Le gouvernement étudie à l’heure actuelle les pistes qui permettraient aux commerçants de bénéficier d’une indemnisation pour leurs pertes d’exploitation.

L’une d’entre elles consiste en la reconnaissance d’un état de catastrophe sanitaire calqué sur le régime des catastrophes naturelles, permettant d'intervenir au titre de la perte d'exploitation sans dommages. Un tel régime bien que prometteur pour les futures crises sanitaires du même genre, ne pourrait s’appliquer rétroactivement. Il a donc provisoirement été laissé de côté.

Agnès Pannier-Runacher, secrétaire auprès du ministre de l'Économie et des Finances, avance comme solution une contribution monétaire des assureurs à des fonds de solidarité pour les petites entreprises. Cela permettrait à ces compagnies d’indemniser les assurés tout en gardant le contrôle du montant de ces indemnisations. Face aux pressions du gouvernement qui encourage les assurances à participer à l’effort de solidarité nationale, la Fédération française de l’assurance (FFA) a récemment promis une contribution à ces fonds d’indemnisation à hauteur de 200 millions d’euros.

Pour les entreprises et commerçants ces initiatives “pansement” sont insuffisantes et une véritable réflexion de fond sur la prise en charge de ces risques doit être mise en place. En outre, cette solution présente l’avantage de permettre aux assureurs de contourner le débat de l’applicabilité des contrats d’assurance perte d’exploitation.

Les assurés se doivent donc de rester vigilant et d’étudier la police de leurs contrats d’assurance avant d’accepter toute proposition d’indemnisation de leur assurance. En effet, certaines compagnies d’assurance se sont empressées de proposer à leurs clients une indemnisation forfaitaire. Or une telle proposition entraîne implicitement une renonciation à la garantie contractuelle.

Quelle que sera la réponse de la justice et du gouvernement, s’engage un combat opposant assureurs et assurés, mais également les assureurs entre eux, qui semblent donner chacun un sens différent au concept d’effort de solidarité. Pour certains le seul point de certitude est que ce combat se soldera inévitablement par une hausse des primes d’assurances dans les années à venir.

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